Nos travaux se sont appuyés sur les études de différents archéologues et chercheurs, notamment Olivier Buchsenchutz, Philippe Poirier, Stéphane Gaudefroy, Guy Lintz, Nicolas Peyne…
Les sources archéologiques sont nombreuses, aussi bien régionales que nationales. Les sources locales le sont un peu moins, mais suffisantes pour élaborer une reconstitution. Les sites de « la Barre », commune de st Junien 87, et celui de St Gence 87, vont être nos principales données.
Les premiers éléments que l’on peut collecter en fouille sont les trous de poteaux, espaces, diamètre, nombre. Tous ces éléments vont nous permettre de raisonner sur des modèles empruntés à l’ethnographie : tel type de construction entraîne logiquement tel type de charpente ; d’autant plus que de la protohistoire jusqu’au début du XVIIII e siècle, les hommes disposaient des mêmes outils. Les assemblages utilisés : mi-bois, tenons mortaises, queues d’aronde, feuillures, sont des techniques connues depuis le néolithique, mais l’usage des outils en fer, permet de multiplier le travail des pièces de charpente.
Si l’on connaît l’espace occupé par un bâtiment longueur, largeur, il n’existe pas de trace directe pour l’élévation. La reconstitution d’une bâtisse ne peut se faire sans l’aide des textes, qui ne nous apportent pas grand chose, ou des urnes-cabanes d’Allemagne et de Pologne, ainsi que des gravures rupestres du val Camonica, représentant maisons, parcellaire, hommes et troupeaux.
En l’état actuel de nos connaissances, nous pouvons dire que les constructions gauloises peuvent se diviser comme suit : Bâtiments sur sablières basses ; Bâtiments sur rondins ou planches appelés aussi blockbau ; Bâtiments sur poteaux porteurs.
Nous nous intéresserons particulièrement à ce dernier type de construction qui est la plus représentée dans notre région et dans toute la Gaule en général.
De forme quadrangulaire ce groupe de maisons se décline en quatre principaux types de charpente :
1) Maisons à faîtière porteuse, à deux nefs ;
2) Maisons à entraits sur murs porteurs, une nef ;
3) Maisons à trois nefs, la charpente reposant sur la nef centrale et les sablières hautes ;
4) Maisons dont la toiture repose entièrement sur les poteaux porteurs inclus dans les murs.
La construction : Mode d’emploi.
En matière de reconstitution pour un bâtiment, on peut avoir deux solutions : adapter le terrain à l’édifice, ou adapter l’édifice au terrain. L’emplacement du bâtiment n’est pas un hasard, et nous avons choisi d’adapter nos bâtiments au terrain, tant pour leur fonctionnalité que pour leur résistance dans le temps et aux intempéries.
Après avoir choisi l’emplacement d’après ces critères ainsi que ceux imposés par les fouilles, la première opération consiste à tracer le plan au sol,
puis à noter les emplacements des poteaux, soit approximativement tous les 150 cm et creuser plus ou moins profond, suivant la structure, soit de 80 à 110 cm dans le sol. Les poteaux porteurs ayant été préalablement écorcés, l’aubier retiré pour certaines essences, il suffit de les « planter » en gardant une marge de 30 à 40 cm pour la hauteur définitive. Puis poser les sablières, en ayant pris soins de bien préparer les assemblages afin de ne pas avoir à manipuler trop souvent ces pièces de bois pesant entre 100 et 200 kg, voire plus suivant la longueur.
Tous les poteaux étant plantés, les premiers chevrons seront posés soit sur la faîtière, préalablement mise en place, et la sablière haute ; soit sur les sablières de nefs, suivant le type de charpente. L’ensemble des chevrons formeront un angle de + ou moins 50 °, de façon à ce que l’eau s’écoule le plus rapidement, la longévité de la toiture en dépendant.
Coupés en hiver, les longues tiges de noisetiers, de 3 à 5 cm de diamètre seront installées perpendiculairement sur les chevrons afin de former un treillis que l’on appellera volige. Elles seront fixées par brellage tous les 30 cm , les deux premières de 20 cm seulement, afin de démarrer la pose du chaume, et de constituer « la goutte d’eau ».
Le chaume, qui est un terme générique, peut être de la paille, de blé de seigle, de millet, ou encore du genet quoique peu résistant à la durée et demandant une forte épaisseur pour une bonne étanchéité. Le meilleur végétal sera sans aucun doute la canne de roseaux. Récoltée en hiver elle peut être utilisée dès le printemps après un temps de séchage à l’abri de la pluie et du soleil.
La couverture, par l’intermédiaire d’une gaule de noisetier, sera cousue sur les voliges, le poids sera environ de 40 kg du mètre carré, contre 50 à 150 kg pour une couverture de tégula…
Le faîtage sera recouvert d’une forte couche de torchis, (mélange d’argile et de paille), puis de plaque de gazon, celui-ci fixant l’argile et lui apportant suffisamment d’humidité pour qu’il ne se fissure pas, surtout pendant l’été. Les racines de l’herbe stabiliseront l’ensemble et l’addition poids plus racines sera un facteur supplémentaire contre le vent.
La toiture étant terminée, la mise en place du clayonnage, entrelacement de tiges de noisetier de 1 à 2 cm de diamètre, pourra se faire à l’abri de la pluie. C’est une condition incontournable pour pouvoir réaliser un torchis de qualité. Cette opération se fera à l’automne ou au printemps, le but étant d’éviter le gel et les fortes chaleurs qui seraient facteurs de dégâts irréversibles sur la réalisation des murs. Après un temps de séchage plus ou moins long suivant la saison, on pourra reboucher les fissures et remettre une fine couche d’argile du style barbotine pour faire un enduit propre et lisse. Portes et ventaux viendront terminer la réalisation du bâtiment. L’aménagement intérieur se fera suivant la qualité de son propriétaire, noble ou paysan, artisan ou guerrier…
Extrait de l’article : « Coriobona, ferme aristocratique en pays Lémovice »,
par Patrick BOOS, président des Gaulois d’Esse,
paru dans « Histoire vivante : Au Temps des Celtes et des Romains » de novembre 2008